Un petit nuage noir s'est installé au-dessus du Colisée Financière Sun Life durant les 10 jours du tournoi de la Coupe Memorial, à Rimouski.

Pendant que les champions des trois ligues associées sous la bannière de la Ligue canadienne de hockey (LCH) et l'équipe hôtesse livraient de belles batailles sur la patinoire, plusieurs discussions dans les couloirs de l'aréna concernaient les annonces à travers le pays de joueurs confirmant qu'ils feront le transfert vers une université américaine la saison prochaine.

L'automne dernier, la NCAA a pris la décision de rendre les joueurs évoluant dans la LCH admissibles à évoluer ensuite au niveau universitaire américain.

L'impact à long terme de cette décision sur la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ), la Ligue de l'Ontario (OHL) et la Ligue de l'Ouest (WHL) demeure inconnu. Et pour l'instant, les dirigeants des circuits préfèrent attendre de connaître ces impacts plutôt que de céder à la panique et tenter de résoudre un problème qui pourrait ne pas exister.

« Nous demeurons la ligue de développement numéro un au monde, celle qui voit le plus de ses joueurs sur les classements de la Centrale de recrutement de la LNH», a dit le commissaire de la WHL, Dan Near, cette semaine à Rimouski.

De 2015 à 2024, 839 joueurs de la LCH ont été repêchés par des équipes de la LNH, contre seulement 74 évoluant dans la NCAA, a compilé l'Associated Press. Mais parmi ces 74 joueurs, 63 ont été sélectionnés en première ronde, dont deux Canadiens au premier rang: Macklin Celebrini en 2024 et Owen Power en 2021.

Les joueurs ayant évolué dans la NCAA représentent aujourd'hui environ le tiers des joueurs dans la LNH, la plupart ayant abouti dans une université américaine après le repêchage. Cette proportion est en hausse, par rapport à 20% en 2000.

L'incertitude concernant l'identité des joueurs qui seront tentés de passer de la LCH à la NCAA demeure très forte. Si plusieurs croyaient d'abord que la décision de la NCAA permettrait surtout à des joueurs de 19 ou 20 ans de prolonger leur parcours en allant aux États-Unis, des espoirs de premier plan en prévision du repêchage de la LNH à la fin du mois ont annoncé leur décision dans la dernière semaine de s'engager auprès d'universités américaines.

Des rumeurs envoient même le prodige Gavin McKenna, des Tigers de Medicine Hat et pressenti pour être le premier choix du repêchage de la LNH en 2026, à l'Université du Michigan la saison prochaine. McKenna recevrait alors une compensation d'environ 1 million $ pour l'utilisation de son nom et de son image.

Autant Near que le commissaire de la LHJMQ, Mario Cecchini, et le président de la LCH, Dan MacKenzie, ont affirmé qu'ils espéraient que l'argent n'est pas le facteur déterminant quand la décision est prise. 

« Pour un joueur élite dont le parcours le mènera à la LNH, l'argent viendra, a dit MacKenzie lors d'un entretien avec La Presse Canadienne. La question principale devrait plutôt être de savoir où le joueur pourra le mieux se développer. »

Cecchini a admis qu'il avait de la difficulté à comprendre pourquoi un joueur quitterait le hockey junior majeur canadien avant la fin de son admissibilité au profit des universités américaines. Ses premières discussions avec les agents ou parents ou joueurs ne l'ont pas aidé non plus à faire la lumière sur la situation.

« Ce qu'on me dit beaucoup, c'est que ce n'est pas vous, c'est moi. Que nous n'avons rien fait de mal, que l'encadrement est parfait, que l'entraîneur est super, que la famille de pension est extraordinaire, que le joueur est super bien traité, qu'il est tombé en amour avec la ville », a énuméré Cecchini à La Presse Canadienne.

« Quand je parle avec des anciens, 95% me disent que c'étaient les plus belles années de leur vie. Nous n'avons aucun doute que des gars vivent quelque chose de très bien avec leur équipe. Et ça n'a pas changé depuis l'automne. Je comprends ce qu'ils disent, mais les raisons demeurent nébuleuses. »

Les quelques joueurs présents à la Coupe Memorial qui iront dans la NCAA la saison prochaine et qui ont été interrogés à ce sujet ont souvent simplement répondu que c'était « la meilleure chose pour » leur développement et que la décision avait été prise après des discussions avec leur agent et leur famille.

Encore une fois, les dirigeants de la LCH semblent abasourdis par ces commentaires, surtout qu'ils jugent que la saison à l'âge de 19 ans au niveau junior canadien est souvent très importante dans le développement du joueur.

« C'est une année de leadership où le jeune obtiendra plus de temps de jeu et aura peut-être une lettre sur son chandail, a rappelé Cecchini. Vous apprenez à être un leader, à donner l'exemple, à gérer des situations où des gens vont se tourner vers vous.

« Je trouve ça dommage qu'un jeune saute cette année-là pour aller dans une ligue où il n'aura pas la même opportunité ou le même temps de jeu. Pour aller dans une ligue où la moyenne d'âge oscille autour de 23 ans. J'ai l'impression que le jeune va retomber à son année de 16 ans, qu'il y a un trou qui va se créer dans son développement. »

Near a évoqué le fait que l'effet de nouveauté pouvait rendre la situation plus attrayante. Il a cependant rappelé que de nombreux joueurs se retrouvaient dans le portail des transferts entre universités chaque année dans l'espoir d'améliorer leur sort.

« Ça veut dire qu'ils n'étaient pas heureux où ils étaient, a souligné Near. J'espère que tout ira bien pour chaque joueur qui part, mais je crois que c'est plus une business aux États-Unis. Il y a l'appât des ressources des universités et c'est attrayant. Mais nous verrons comment ça évolue. »

Bien qu'elle semble être en mode «attente», la LCH demeure proactive dans le dossier. Cecchini a indiqué que le sujet sera au coeur des discussions lors d'une assemblée du conseil d'administration la semaine prochaine.

« Nous continuons à évaluer ce que nous pouvons faire et à élever nos standards, mais tout dépend des attentes et désirs du joueur. (...) Mais je demeure confiant que, lorsque la poussière retombera, nous serons toujours l'option numéro un pour le développement des joueurs », a conclu MacKenzie.