Les Checkers maîtres dans la maison et dans la tête du Rocket
LAVAL – Le narratif avait été installé avant le début de la série entre les Checkers de Charlotte et le Rocket. Ça allait être l'expérience, la ruse et la présence intimidante d'un côté, la jeunesse, l'insouciance et la vitesse de l'autre.
Jusqu'à maintenant, il serait difficile d'imaginer un combat plus inégal.
Dans un amphithéâtre où il est habituellement roi et maître – il n'y a perdu que neuf matchs à la régulière durant la saison – le Rocket vient de disputer 120 minutes de hockey en l'espace de 24 heures. Il a passé une bonne centaine d'entre elles à se faire malmener.
Les Checkers ont envahi un aréna intimidant et inhospitalier comme si la place leur appartenait. Ils ont sorti les épaules et leur sourire le plus baveux sans qu'on sache le leur faire regretter. Ils ont commencé à marquer des buts sans qu'on ne puisse les arrêter. À quelque part là-dedans, il y a un lien de cause à effet qu'il n'est pas si important de démêler.
La poule ou l'œuf? Présentement, les Checkers mangent les deux et forcent le Rocket à faire leur vaisselle.
Jeudi, ils ont laissé leur carte de visite dès la période d'échauffement. Leurs tactiques d'intimidation vieilles comme le monde auraient peut-être provoqué un vulgaire haussement d'épaule chez un adversaire plus aguerri, mais elles ont semblé piquer les joueurs du Rocket dans leur orgueil.
Le capitaine Lucas Condotta, qui était au cœur du rififi, a minimisé l'effet de ce théâtre digne des bonnes années de la House of Pain, pas trop loin d'ici. « C'est plutôt bon, en fait, qu'on se soit tenu en équipe », a-t-il suggéré. Peut-être, mais Alex Barré-Boulet et Logan Mailloux, qui ont aussi reçu de la visite dans cette petite rencontre au sommet, n'ont jamais semblé jouer avec la paix d'esprit par la suite.
« Je n'ai pas entendu ce qui s'est dit, je n'ai pas su comment ça a commencé, mais les deux côtés étaient impliqués et ce sont des choses qui peuvent arriver en séries. Je ne pense pas que ça a changé l'allure du match », a suggéré Rafaël Harvey-Pinard.
À chaque arrêt de jeu, les visiteurs ont testé la patience de leurs hôtes avec un petit coup de bâton ou une remarque qu'on devinait provocatrice. La stratégie était claire et elle s'est avérée gagnante. Quand la sensation d'être lésés par les arbitres et la frustration de tirer de l'arrière au pointage se sont ajoutées sur une pile déjà passablement haute d'insatisfactions, les joueurs du Rocket ont perdu leurs moyens.
« C'est juste du hockey de séries, a dit David Reinbacher. Ils veulent rentrer dans notre tête, ils veulent nous faire sortir du droit chemin. Il ne faut pas se laisser déranger par ça. Il faut ignorer ces gars-là. Ils essaient de nous faire prendre des punitions, ils essaient de prendre le momentum. Il faut rester cool, rester nous-mêmes et ne pas les laisser nous affecter. »
« Ça part juste de nous autres, jugeait Harvey-Pinard. On joue pas le hockey qu'on sait qu'on est capables de jouer. Ça fait deux matchs qu'on joue des mauvaises games et quand tu sais que tu es capable de mieux jouer, c'est frustrant. Je pense que ça part de là les émotions, on perd un peu le contrôle. Il faut revenir à la base, digérer ces deux défaites ce soir et après, se remonter les manches. »
En fin de deuxième période, Laurent Dauphin a été renversé près du banc des joueurs par le défenseur Marek Alscher. La mise en échec semblait tardive et dangereuse, mais elle n'a pas été punie. Le geste n'a presque pas suscité de réaction non plus dans un groupe qui semblait dégonflé.
En fin de match, les Checkers ont poussé l'audace une coche plus haut quand Wilmer Skoog a tenté d'enfiler un Michigan. À 5-1, le match était alors déjà plié.
Brandon Gignac a préféré ne pas commenter. « C'est sûr que ce sont des détails que tu ne veux pas voir. Les gars vont s'en rappeler pour les prochains matchs, ça c'est sûr », a promis Harvey-Pinard.
L'accumulation de tous ces petits affronts a incité un journaliste à demander à Pascal Vincent s'il avait l'impression que les Checkers manquaient de respect à son équipe.
« C'est ça les séries. C'est une game où tu tentes de... j'essaie de trouver le bon mot, mais de détruire le moral de l'équipe adverse. Ça se fait des deux côtés. Présentement ils ont du succès. Mais lorsque ça, ça se produit, c'est comment tu réagis. »
Chez le Rocket, cette réaction se fait toujours attendre.