Les soubresauts de l'ascension d'Alpine
Encore une fois, l'écurie Alpine se retrouve au cœur de la tourmente depuis le dernier Grand Prix à Miami. Deux changements importants seront visibles dès cette fin de semaine à Imola. Le premier, les partisans ont eu le temps de le voir venir. Franco Colapinto sera aux côtés de Pierre Gasly, en remplacement de Jack Doohan. Le deuxième, cependant, était une vraie surprise. Le directeur de l'écurie, Oliver Oakes, a offert sa démission, si bien que Flavio Briatore prend les commandes de l'écurie française, lui qui était de retour dans le giron d'Alpine depuis l'an dernier.
Doohan voué à l'échec
Commençons par le changement de pilote. Personne n'est tombé en bas de sa chaise en apprenant que Franco Colapinto allait remplacer Jack Doohan. La rumeur courait avant même le début de la saison, et statistiquement, le pilote australien n'a rien fait pour convaincre ses patrons de conserver ses services.
En six épreuves cette saison, le meilleur résultat de Doohan est une 13e place lors du Grand Prix de Chine, une course marquée notamment par trois disqualifications. Il ne compte aucun point, contre sept pour son coéquipier Pierre Gasly, qui a notamment terminé septième à Bahreïn (après une brillante quatrième place en qualifications).
Doohan a également été victime de plusieurs incidents importants, dont celui lors des essais libres au Japon, alors qu'il n'avait pas refermé son DRS au premier virage, détruisant la voiture dans un accident violent.
Autrement dit, qu'Alpine décide de changer de pilotes est tout à fait justifiable d'un point de vue des résultats. En neuf courses l'année passée avec Williams, Colapinto a prouvé qu'il est mesure d'être rapide et d'inscrire des points. En plus, on sait que l'Argentin amène avec lui plusieurs commanditaires sud-américains, ce qui n'est pas étranger non plus dans la décision d'Alpine.
Par contre, ce que je trouve déplorable, c'est qu'Alpine ait placé Doohan dans une position impossible.
Avant même le début de la saison, les rumeurs entourant un remplacement de Doohan par Colapinto allaient déjà bon train. On sentait très bien le manque de confiance de l'écurie française en Doohan... qui n'avait même pas encore commencé réellement sa carrière en Formule 1. Oui, il y avait eu sa présence au Grand Prix d'Abou Dhabi pour terminer la saison 2024, mais on s'entend que c'est une expérience bien mince.
Comment voulez-vous qu'un jeune pilote puisse se faire justice et avoir assez de confiance en la voiture et en lui lorsqu'il sait avant même de commencer la saison que l'écurie cherche à le remplacer à la première occasion? Mettre autant de pression sur une recrue était peut-être une façon de faire auparavant, mais ce n'est plus de cette façon qu'on réussit à tirer le meilleur de jeunes pilotes.
Partout sur la grille, on voit qu'arriver au sein d'une nouvelle écurie demande du temps et de l'adaptation, même pour les pilotes les plus expérimentés comme Lewis Hamilton et Carlos Sainz. Alors imaginez pour une recrue! Prenez par exemple Oliver Bearman et Kimi Antonelli, qui connaissent de bons débuts de saison... ils ne sont pas constamment sous pression de la part de leur propre équipe. Je ne compare pas leur talent, bien sûr qu'un pilote comme Antonelli démontre plus de potentiel que Doohan... mais un pilote, peu importe son C.V., a besoin du soutien de son équipe pour réussir.
Et l'exemple inverse est aussi bon... l'autre jeune pilote sous pression de son écurie depuis le début de la saison, Liam Lawson, peine aussi à retrouver ses repères, même au sein de Racing Bulls.
Le pire dans tout ça, c'est qu'Alpine semble vouloir appliquer la même méthode avec Colapinto, en lui accordant un contrat de seulement cinq courses! Encore une fois, on ne laisse pas le temps à un autre jeune pilote de s'acclimater, on le place sous pression immédiatement. Cette obligation de performance pousse les pilotes à être plus agressifs, à peut-être vouloir trop en faire, plutôt que de prendre le temps de bien progresser et d'y aller étape par étape dans leur développement.
Si Alpine veut des résultats immédiats, alors que l'écurie fasse appel à un vétéran. Toutefois, placer un jeune avec peu d'expérience et lui demander des résultats instantanés donne plus souvent qu'autrement le même résultat, et il est rarement positif. Red Bull en a pourtant fait la démonstration à plusieurs reprises au cours des dernières saisons, que ce soit avec Lawson, Alex Albon... ou même Pierre Gasly, maintenant chez Alpine.
Bref, souhaitons le meilleur à Colapinto, un jeune qui semble bien sympathique, drôle en entrevue, et dont on sait qu'il peut aller chercher de bons résultats. Sauf qu'on a aussi vu chez Williams qu'il peut commettre des erreurs et être impliqué dans des incidents. Espérons pour lui qu'il saura éviter les ennuis dans sa courte période d'essais...
Encore des changements à la direction
La veille de la confirmation du changement de pilote, l'écurie annonçait le départ de son directeur, Oliver Oakes… lui qui a rejoint l'écurie au mois d'août dernier!
Une nouvelle surprise, donc, et immédiatement, les soupçons se sont tournées vers un différend au sein de l'écurie en lien, justement, avec le renvoi de Doohan. Son départ la veille de l'annonce était certes une coïncidence frappante qu'il était difficile d'ignorer.
Or, il semble qu'il n'en soit rien. L'écurie a évoqué des raisons personnelles, et on apprenait par la suite que le frère d'Oliver Oakes était impliqué dans une affaire judiciaire, ce qui serait la raison de la démission du directeur.
Évidemment, cette histoire judiciaire ne touche pas Alpine, alors on ne peut pas trop critiquer l'écurie en lien avec ce départ. Il reste que le poste de directeur d'équipe chez Alpine semble être touché par la même malédiction que celle qui frappait les professeurs de défense contre les forces du mal dans la saga Harry Potter (ou celle des entraîneurs-chefs du CF Montréal, choisissez la référence qui vous convient le mieux).
Cyril Abiteboul a quitté l'équipe en 2020, Otmar Szafnauer en 2023, Bruno Famin en 2024, et maintenant Oliver Oakes en 2025. C'est sans compter Marcin Budkowski (départ en 2022) et Laurent Rossi (départ en 2023) qui n'avaient pas officiellement le titre de directeur d'équipe, mais qui jouait des rôles de direction similaires.
Ajoutez à cela le départ controversé d'Oscar Piastri et la décision de l'équipe de ne plus produire son propre moteur à partir de l'an prochain en raison notamment du manque de performance de l'unité de puissance... il devient évident que le manque de stabilité et de leadership mine les efforts de l'écurie de revenir aux avant-postes.
C'est maintenant Flavio Briatore qui prendra sous son aile les tâches liées au rôle de directeur d'équipe. Une décision qui bien sûr ne laisse personne indifférent. Briatore ne manque pas de leadership et a été au cœur des succès de l'écurie lors des championnats remportés par Fernando Alonso en 2005 et 2006.
Sauf qu'il est aussi l'architecte de la chute de l'écurie au losange à la suite du « crashgate » de 2008, soit l'un des plus gros scandales de tricherie de l'histoire de la Formule 1. Alors suspendu à vie par la FIA pour son implication dans ce scandale, Briatore a réussi à faire lever la sanction après des démarches judiciaires. Quant à Renault, le motoriste a fini par vendre ses parts de l'écurie à la suite du scandale avant de faire son retour en F1 comme écurie en 2016.
Ainsi, de voir le directeur italien de 75 ans de retour à la tête du l'écurie française a de quoi en étonner plusieurs... Est-il vraiment celui qui peut donner un nouveau souffle à cette écurie? Alors que plusieurs équipes rivales se tournent vers un style de gestion plus moderne, comme Williams avec James Vowles, on peut se demander si Alpine prend la bonne direction.
Neuvième au classement des constructeurs avec seulement un point d'avance sur Sauber, Alpine tentera donc de relancer sa saison avec Briatore et Colapinto cette fin de semaine à Imola. RDS vous donne rendez-vous samedi matin à 9 heures 30 pour la séance de qualifications et dimanche à 8 heures 30 pour la course. Les séances d'essais libres seront présentées à compter de vendredi sur le RDS.ca.